Afin de mieux faire connaître son oeuvre, j'ai proposé à Aldéhy de rédiger
un texte de présentation qui soit à la hauteur de son art.
L'exercice a d'autant plus de mérite qu'il m'est par principe difficile de
parler des créations des autres (aussi bien celles de mes proches que de mes
"détracteurs", pour ne pas dire mes "ennemis") avec cette coutumière et
prétendue "impartialité" des critiques du genre. Étrange "objectivité" pleine
d'indulgence qui semble, en effet, être la règle dans le milieu... Ce qui dans
pareils cas fausse évidemment les avis de ceux qui prétendent se vouer à la
cause de l'Art. Les analyses de ces "spécialistes" plus ou moins dévoyés pour
des raisons peu avouables (amitié, copinage, rémunération, échange de services)
ont-elles un réel intérêt dans le contexte actuel de l'Art où la diversité, la
multiplicité, l'excès, l'inflation des productions picturales rendent leur
promotion si délicate et par là même oblige à la rigueur la plus élémentaire, à
la vigilance la plus extrême au lieu de ces suspects, systématiques panégyriques
?
En outre, et on verra peut-être la chose comme une singularité, voire comme
une de ces belles contradictions qui font parfois l'exception, donc le prix (ou
la nullité, l'affaire étant à double tranchant...) de tel ou tel art, je ne suis
personnellement pas (ou peu) versé dans la peinture... Ce qui ajoutera à ma
sincérité et à la fraîcheur de mon analyse.
Pour raconter les tableaux d'Aldéhy, je n'aurai par conséquent ni
complaisance ni dureté. Juste ma sensibilité, rien que ma plume posée que seules
animent la vérité, l'honnêteté, la simplicité. Qualités légendaires qui rendront
mes sentences fiables, claires, crédibles. C'est en tout cas ma prétention, et
je souhaite que tout artiste prenne comme un égal privilège mes piques et mes
caresses, qu'il soit honoré autant par mes soufflets que par mes éloges. Là sont
mes marques d'estime vraie, sans aucun arrangement avec l'Art.
Mais entrons dans le sujet.
Voilà, Aldéhy a fait le choix -et pris le risque- des thèmes bibliques,
pastoraux, pour ne pas dire virgiliens. Ou plus quotidiens. Ce qui est une façon
comme une autre d'asseoir son art. Entre tradition et originalité, le peintre
embrasse "large" donc... Que ce soient vues historiques ou individuelles, mythes
académiques ou réalités personnelles, les horizons abordés sont ouverts.
On s'embarque l'âme légère, l'esprit curieux, le coeur joyeux, ou bien
lourd, dans ces paysages aux chemins clairs traversés par des marcheurs prenant
des destinations ultimes et graves (comme ce couple chassé de l'éden), dans ces
décors contemporains, ces lieux étranges ou familiers, ces scènes vivantes des
cités avec leurs lumières ou leurs ombres, leurs passants ou leurs statues...
Malice, ingénuité, proximité, complicité avec ces portraits de petits garçons
grimaçant et souriant. Entre l'éphémère et l'intemporel, la spontanéité et
l'universalité.
Devant certaines conceptions inattendues ou quelques représentations
inhabituelles, on pourra certes être surpris. Ou heurté, selon la réceptivité de
chacun. N'est-ce pas ce qui fait précisément le charme, le piquant d'un auteur ?
Ce qui est sûr, c'est que le pinceau est riche de ses tons acryliques avec
lesquels le maître s'amuse, usant de toutes leurs possibilités, peu avare
d'effets, imaginatif, prompt à faire jaillir lumière, couleurs, éclats nets...
Mais brumes également.
C'est sur ce dernier point que valent surtout les réalisations d'Aldéhy. Le
spectateur n'est pas simplement charmé, étonné ou même figé dans un prudent,
frileux retrait, il demeure aussi en questionnement en sondant ces formes vives,
ces théâtres oniriques, ces rivages énigmatiques, ces visages bruts qui vous
regardent en face ou de travers... Un point d'interrogation pour résumer le
travail d'Aldéhy, c'est assurément un peu bref me diront certains.
A ceux-là je répondrai qu'un rêve non expliqué en guise de récapitulation,
n'est-ce pas non plus un avenir royal pour un créateur, une fenêtre ouverte sur
l'infini ?