vendredi 21 mars 2025

41 - Deux faces

Deux amies, l'une blonde, l'autre brune, semblablement éligibles au trône de Vénus, s'amusent de leurs différences, se comparent en riant et se jaugent à l'aune des regards posés sur elles, fières de leur gloire et usant chacune de leurs éclats comme de leurs aspérités.
 
LA BLONDE — Je suis le printemps, tu es l'été. Je suis le blé, tu es la braise. Mes yeux sont un ciel bleu, ton sourire est une flamme rouge. Je charme en douceur, tu séduis avec ardeur. Toi et moi sommes deux fleurs, l'une de velours, l'autre hérissée d'épines.
 
LA BRUNE — Tu es la fraîcheur de l'onde, je suis la brûlure du Soleil. Tu fais rêver les solitaires, je fais pleurer les téméraires. Tu leur promets le baiser de l'amour, je leur destine la morsure de la chair. Tu es l'ange, je suis la louve.
 
LA BLONDE — Je suis auréolée des étoiles de l'innocence, de la poésie, de la pureté. Et je brille telle une blanche aurore. Toi, tu es parée des artifices sulfureux qui éveillent les mâles ivresses. Et tu illumines leurs nuits de fantasmes féroces. Je suis le nectar des galants qui les rend romantiques et sirupeux, tu es le poison qui les fait déraisonner ! Je les berce, tu les incendies. En mon image paisible ils voient la légèreté de la brise vernale, dans tes charbons embrasés ils tremblent de désir et ne pensent plus qu'à l'enfer qui les tourmente délicieusement.
 
LA BRUNE — Sous tes traits de biche qui les caressent, ils s'endorment avec des papillons dans le coeur. Sous les feux de mon visage qui les défie, ils deviennent des bêtes affolées ! Tu les apprivoises de tes cheveux blonds et moi je les dompte de mes crocs carnassiers. Tu vois, avec nos armes et nos égards, nos piqûres et nos étreintes, nos coups et nos faveurs, nous parvenons à mettre le monde à nos pieds. Je suis cinglante, tu es cajoleuse. Je suis noire, tu es d’azur. Je suis dense, tu es aérienne. Bien que nous soyons contrastées, moi la foncée, toi la dorée, nous faisons tourner autour de nos têtes la Terre et les hommes qui la peuplent car la vérité, c'est que la beauté (qu'elle soit claire ou obscure, solaire ou ténébreuse, franche ou bien voilée) aura fatalement le dernier mot.
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