vendredi 21 mars 2025

44 - Les marques rouges du ciel

L'on pourrait penser que chaque coquelicot est une morsure romantique, un baiser d'amour, une flamme idéale sur le coeur de cette ingénue qui semble se baigner dans la lumière. Et que le ciel est à ses yeux une vaste respiration azurée au-dessus de cet océan de beauté...
 
Mais il n'en est rien.
 
En réalité cette fille de paysanne pragmatique songe à un problème agricole insoluble : comment désunir la fleur parasite de la bonne céréale à laquelle elle est liée depuis que l'homme des champs creuse le sillon qui le nourrit ?
 
(Il faut savoir, et c'est un cas botanique parmi d'autres, que les graines de ces deux plantes se sont jadis mélangées pour ne plus jamais se séparer.)
 
Elle pense ainsi dans le vide, elle le sait bien, l'affaire étant irréalisable...
 
Mais c'est plus fort qu'elle, ses pensées aussi légitimes qu'inutiles l'entraînent irrésistiblement vers le terrain stérile de la réflexion vaine. Elle cherche la solution, même si l'épineuse question demeurera pour toujours sans réponse car il n'y en a pas : le pavot superflu, définitivement, est uni pour le meilleur et surtout le pire au blé qu'il étouffe de son écarlate et indéfectible étreinte.
 
On peut certes le déplorer mais on ne peut rien y faire.
 
C'est l'éternelle histoire du combat incessant entre la friche et la culture, la nature et le bipède, le fruit et la ronce.
 
Et au bout d'un certain temps à infuser ainsi au sein de ces herbes, la jeune femme commence à comprendre que, finalement, les pétales de feu qui parsèment les épis sont la marque glorieuse du Cosmos qui sur chaque chose que l'on croit parfois absurde, nuisible ou simplement sans importance, imprime son message plein de sens.

Au fer rouge de la poésie.

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