jeudi 6 mars 2025

Le germe divin


Le sujet est aussi vieux que la Création, vaste comme le ciel et l'horizon, abyssal, sombre, tragique et agité à l'image des océans, mystérieux, serein et solennel -voire extatique-, ainsi que la voûte étoilée, tout cela à la fois puisqu'il s'agit de l'univers intime qui gronde dans le coeur du bipède, quand il ne murmure pas pour faire place à un chant, une prière, un rire d'enfant... Aldéhy peint l'humanité entière. Mieux : il raconte l'histoire de chacun d'entre nous. Adam et Ève, c'est vous, c'est moi, c'est l'autre. Ses tableaux sont nos miroirs : ils affirment notre condition humaine, de la naissance à la mort.
 
Au fil de l'eau, omniprésente, la quête du couple originel n'a pas de fin. Étape par étape, tantôt radieuse, tantôt méditative, Adam et Ève ouvrent la route à leur descendance. Aldéhy, à travers des sortes d'interludes ou d'instantanés, nous suggère l'éternel cheminement de l'Homme dans sa marche vers son destin, que l'on devine certes pénible mais non funeste : rien de désespérant, en effet, sous le pinceau de l'artiste. Si parfois chez Aldéhy la sérénité côtoie quelques brumes, la première prend largement le pas sur les secondes. L'éclat de ses peintures, procédant à l'évidence d'autre chose que la simple virtuosité de coloriste, semble remonter des profondeurs de son âme.
 
Ses personnages évoluent dans un espace physique, onirique et poétique où l'onde rythme leur progression. Le chemin, interminable, âpre mais rédempteur, durera aussi longtemps que le peuple de la Terre sera debout. Le monde en plein essor où sont condamnés à vivre Adam, Ève, Abel et Caïn n'est-il pas l'écho vif, bruissant et tempétueux, mais aussi calme et radieux de leur nouvelle aventure d'êtres éclairés où tout commence, tout se joue ? Ses acryliques sont des aires de repos où l'on s'attarde sur ces humains méditatifs -figés dans des scènes immortelles- pour mieux les contempler dans leurs attitudes fondamentales, de la gravité à la légèreté en passant par des nuances plus tranquilles.
 
L'on s'émeut devant des paysages de genèse d'où sont issus où Abel et Caïn. Ces premières personnes du globe, ingénues, brutes, si fragiles et si grandes en même temps, arborent des visages presque connus avec leurs traits qui nous sont si proches... Ces productions s'adressent à nous-mêmes, collectivement mais aussi individuellement. Ils correspondent à notre époque. Universels, intemporels, les têtes, les éléments, les décors demeurent par conséquent interchangeables. C'est que le peintre, en effet, prenant modèle sur ses propres enfants, produit un raccourci fulgurant : en peignant ces faces actuelles, il échappe aux contraintes conventionnelles, s'ouvrant à nous tous sans restriction. Sa peinture va bien au-delà des simples limites esthétiques du genre : l'auteur s'affranchit des grandeurs académiques pour se mettre à notre portée. Et c'est bien pour cela que ses couleurs  nous touchent. Elles parlent, simplement, non pas de pontife à disciple mais de mortel à mortel.

C'est toute l'originalité, mais surtout la flamme de l'oeuvre d'Aldéhy.

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