D'après un tableau d'Aldéhy
(Le mari) — En ce siècle aride, dur et gris de puritanisme névrotique, j’incarne le triomphe de la poussière des églises et de la rocaille du coeur. Autrement dit, le comble de la droiture et de la dignité. Ces choses qui nous sont si chères, érigées en modèle souverain pour la gloire unique de nos dogmes sacrés. L’apogée de la rigidité morale et de l’immobilisme des êtres. A l’image des pierres dont on fait les murs, les clochers et les tombes.
(L'épouse) — Certes mon mari, mais sache que sous le voile d’austérité qui couvre et masque ce que nul ne souhaite voir, palpite ma chair de femelle avide de liberté, d’ivresse et de lumière. Au nom de l’établissement du royaume de l’impérieuse pudeur, on veut étouffer la beauté. Cet éclat naturel qui est le don de Dieu et qui témoigne de la réalité céleste, on aimerait le soustraire aux regards des incarnés de la Terre... Les priver de leur droit de jouir de la vue des fleurs de ce monde... N’est-ce pas injuste de vouloir emprisonner dans un carcan de sévérité mes appas qui ne demandent qu’à s’offrir au soleil, pareils aux fruits nés pour s’épanouir en plein air et non pour se dessécher dans l’ombre ? Cette paire de gerbes nourricières que ta religion s'évertue à museler, enchaîner, asservir à des causes déprimantes, ne sont-elles pas faites pour la joie au lieu de la tristesse ? Non, je refuse qu’on fasse de mon double trésor de femme un duo de chardons voués au mépris ! Qu’on me laisse les sortir ici en signe de ma protestation pour le bonheur ! Et si tu trouves que mes seins sont si offensants à voir, je ne t’oblige point à les regarder. Tu es libre de préférer avoir le nez dans le fumier de tes sillons plutôt qu’entre les deux merveilles de mon giron ! Réjouis-toi donc : des assoiffés boiront à ta place à cette fontaine qui te fait tant horreur. Et tu pourras continuer à faire fructifier ton sol de patates et de carottes pendant que je livrerai ma jumelle flamme aux jardiniers de l’Amour !
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